Le rock belge a connu une sorte d’age d’or dans les années 90s, et continue de produire des disques très excitants. Certains groupes connaissent une véritable renommée (dEUS, Zita Swoon, An Pierlé, Soulwax) tandis que d’autres restent dans l’ombre de façon plus ou moins injuste (DAAU, Sharko). Certains sont même inexplicablement inconnus du public.
Aujourd’hui donc petit rattrapage avec un véritable groupe culte : Evil Superstar.
Il s’agit avant tout du groupe de Mauro Pawlowski, artiste protéiforme touche-à-tout extrêmement talentueux. Son principal acolyte et guitariste (bien que Mauro soit aussi un roi de la six cordes), Tim Vanhamel, est surtout connu pour être le leader du groupe Millionaire (très recommandé également).
Evil Superstar, c’est vraiment un chaudron magique à la fois bordélique et punk, voire hardcore par moment, excité par de multiples rythmiques épileptiques, mais aussi un sens de la dérision au nième degré, et malgré tout une sensibilité très fine, teinté occasionnellement de mélancolie un rien romantique. Une voix très belge (un peux aigue et nasale, comme Barman ou Kamil Carlens), une culture musicale foisonnante, une liberté artistique à toute épreuve… En fait, on a vraiment ici un groupe ultime, un rêve de mélomane averti.
Love Is Okay (1996), premier album, est plus lo-fi et barré. L’influence de Captain Beefheart se fait vraiment sentir, mais dans le déluge global de composantes stylistiques, on va bien au delà d’un sous-genre néo-zappa. Il y a un vrai côté dandy dans cette musique délicieusement décadente, où comme chez Jarvis Cocker (Pulp devrais-je dire), les frasques musicales du Bowie de la deuxième moitié des 70s ont été savamment digérées.
Boogie-Children-R-Us (1998), deuxième et dernier opus du groupe, prolonge le plaisir différemment : mieux produit, plus lourd, l’album enchaine les tubes et développe une ambiance plus sombre. Les morceaux évoluent parfois en transes hypnotiques (Holy Spirit Come Home), ou en ballades tragiques (First Come Farewell). Toujours novateur, débridé et maitrisé, inspiré et varié… L’écriture est sublime, on touche à la grande classe.
Ce genre de disque demande du temps et ne s’apprécie pas d’une oreille distraite. Vu le peu de succès, on peut à la fois se réjouir d’être dans les veinards qui connaissent et se délectent des albums (tel Sharko qui reprend occasionnellement et avec brio : It’s A Sad Planet) ou se lamenter que le peu de succès ait abrégé la vie du groupe.
La suite de l’histoire nous a quand même donné le premier Millionaire (une merveille) et les très bons albums de Mauro… Les deux compères ont certes contribué à maintenir dEUS en activité… Mais à la réécoute des deux albums de Evil (sans oublier tous les bonus des singles), on se dit que le public est vraiment passé à côté du meilleur groupe rock belge…